L'Institut
À l’aube du xxie siècle, dans un monde où le politiquement correct et la pensée unique sont de règle, où la raison n’est que ruine de la fantaisie, il est venu le temps d’exhumer et de considérer enfin – pour éviter que ne meurent une seconde fois les grandes œuvres des petits auteurs – la piétaille des
« Fous Littéraires, Hétéroclites, Excentriques, Irréguliers, Outsiders, Tapés, Assimilés… »
Œuvrons afin que ces Écrivains ne soient pas que des Écrits Vains et essayons de devenir des empêcheurs de penser en rond…
Voilà la réalité pressante à laquelle veut répondre l’I.I.R.E.F.L. : mettre en lumière des écrivains et des textes oubliés ou inconnus. Cette longue litanie est notre porte ouverte vers le monde des inclassables et des obsédés textuels, une ouverture vers la troisième rive du fleuve.
Animé par le désir de réunir en un même lieu chercheurs, universitaires, médecins et psychologues, étudiants, collectionneurs, passionnés et bibliophiles, l’I.I.R.E.F.L. souhaite :
– établir un réseau international entre toutes les personnes intéressées par ce vaste sujet ;
– gérer une faculté (comprenant un comité scientifique, des membres d’honneur, et de simples mais actifs membres) apte à organiser des manifestations artistiques ou non au siège de l’Institut, mais aussi à l’extérieur (colloques, rencontres internationales, expositions ou toute autre discipline créative) ;
– mettre à la disposition de ses membres un fonds littéraire de plus de 1500 titres ;
– animer les Cahiers de l’Institut (C.D.I.), sa revue d’information et de liaison, distribuée à ses abonnés, où seront présentés des contributions originales de nos correspondants à travers le monde, des articles de fond sur un auteur célèbre ou méconnu, des bibliographies et analyses d’ouvrages. Par exemple : des articles sur J.P. Brisset, Paulin Gagne, le Prince Korab, Pierre Roux… Les fous scientifiques et matheux de tous acabits : quadrateurs, trisecteurs, les spécialistes du mouvement perpétuel… Et Dieu dans tout ça… Les velus de tous poils… Des écrits de « Fous littéraires » hors France. Des numéros spéciaux sur un thème : les cosmographes. La linguistique et les origines des langues. Les médecins aliénistes et la condition asilaire au xixe siècle. Le soleil, les Celtes et l’étude du gaulois comme langue primordiale. Messianisme et prophétisme. Les Causeries brouettiques et le Marquis de Camarasa. L’ortograf, le Docteur Bérillon et sa Polychésie de la race allemande, les racismes et intolérances, etc.
– créer une passerelle entre le monde de la folie littéraire et la création artistique : art et écrits bruts, cinéma, architecture, littérature de S.F. et fantastique, B.D., livres monstres, création asilaire, etc.
– poursuivre l’étude de la tératologie humaine, du monde à l’envers, des utopies, des bizarreries et autres curiosités littéraires. Seront passés au crible les auteurs excentriques, agités du bocal, visionnaires et illuminés, mais aussi les niais, hallucinés, prophètes, saugrenus…
– partir à la chasse aux échappés du Blavier…
« J’entends ici par un livre excentrique un livre qui est fait hors de toutes les règles communes de la composition et du style, et dont il est impossible ou très difficile de deviner le but, quand il est arrivé par hasard que l’auteur eut un but en l’écrivant… Ce sont des livres qui ont été composés par des fous, du droit commun qu’ont tous les hommes d’écrire et d’imprimer… faire rentrer dans cette catégorie toutes les extravagances publiées avec une bonne foi naïve et sérieuse par les innombrables visionnaires en matière religieuse, scientifique ou politique….
La liste des fous, ainsi restreinte aux fous bien avérés qui n’ont pas eu la gloire de faire secte… »
Bibliographie des Fous. De quelques livres excentriques, Paris, [1835], 2000, édition revue et augmentée, Paris, Editions des Cendres.
Octave Delepierre :
« … Si nous avons souvent eu l’occasion de nous étonner de l’intelligence qui se rencontre dans les compositions des fous, il est peut-être plus étonnant encore de voir les folies qui sortent du cerveau d’écrivains intelligents et sensés. »
« …La folie entre pour quelque chose dans l’existence de la plupart des grands esprits que l’histoire nous fait connaître, et il devient souvent très difficile d’établir les dissemblances qu’offrent les prédispositions à la folie, avec certains états dits de raison… Ce sont ordinairement des esprits contemplatifs et noblement doués que l’on voit frappés par ce malheur. »
Histoire littéraire des Fous, Londres, 1860.
Antonin Artaud :
« [...] qu'est-ce qu'un aliéné authentique ? C'est un homme qui a préféré devenir fou, dans le sens où socialement on l'entend, que de forfaire à une certaine idée supérieure de l'honneur humain. [...]
Car un aliéné est aussi un homme que la société n'a pas voulu entendre et qu'elle a voulu empêcher d'émettre d'insupportables vérités. »
Van Gogh le suicidé de la société, Paris, 1947.
Raymond Queneau :
« Auteur imprimé dont les élucubrations (je n’emploie pas ce mot péjorativement) s’éloignent de toutes celles professées par la société dans laquelle il vit (…), [et] ne se rattachent pas à des doctrines antérieures et de plus n’ont eu aucun écho. Bref, un “fou littéraire” n’a ni maîtres ni disciples. »
« Quiconque a eu des disciples ne saurait être considéré comme un fou littéraire : celui-ci doit être resté un inconnu – par définition. »
« Nous éliminerons de nos listes primo tous ceux qui ont eu des disciples ou qui ont été reconnus comme ayant une valeur quelconque par la critique ou le public ou même une toute petite partie du public, secundo tous les mystiques, visionnaires, spirites, théosophes et cætera dont les élucubrations peuvent se rattacher à d’autres qui celles-là sont plus ou moins admises et que la prudence nous conseille de ne pas traiter de folies à la légère. »
Les Enfants du limon, Gallimard, Paris, 1938.
« Lorsqu'en 1930 j'ai commencé à dépister les “fous littéraires’’ le long des kilomètres de rayonnages de la Bibliothèque Nationale, j'avais alors l'ambition de découvrir un nombre important de “génies méconnus”. Au bout de quelques années, j'avais écrit un manuscrit de 700 pages, impubliable et impublié, ni fait ni à faire. (Plus tard, des morceaux en ont été repiqués dans un roman.) Le résultat n'était pas fameux. N'étaient guère exhumés que des paranoïaques réactionnaires et des bavards gâteux. Le délire “intéressant” était rare. Le tri était basé sur le principe “ ni maîtres, ni disciples”. Ce n'est que plus tard que je découvris qu'il fallait parler non de “fous littéraires’’, mais d’hétéroclites. »
Bâtons, chiffres et lettres, Paris
André Blavier :
« Blavier ne recense que les fous imprimés. À compte d’auteur. Par définition, un “fou littéraire” est un auteur non lu et sans disciples. Comme Queneau, il écarte les mystiques délirants et les adeptes du saint-simonisme. Cette obligation d’être imprimé fait que vont nettement prédominer parmi nos auteurs de chevet les paranoïaques, paraphrènes et apparentés.
D’autre part, paranos et paraphrènes conservent suffisamment d’adaptation sociale et de liberté de mouvement pour affronter les multiples soucis de l’édition, évidemment à compte d’auteur…
Sont donc en principe écartés :
Les petites religions, sectes et mystiques de tous baumes. Les magnétistes, occultistes, spirites et hermétistes. Les guérisseurs. Les alchimistes “classiques” et les faiseurs d’or plus contemporains.
Les fouriéristes, les saint-simoniens et les enfantiniens. Les phrénologistes et les procéduriers et les utopistes. Les excentriques peu drôles, les toqués, les originaux et les ratés. Les initiés et les radiesthésistes… »
Les Fous littéraires, Paris, [1982], 2000, édition revue et augmentée, Paris, Editions des Cendres
Le point de vue de l’Institut :
Nous ne voulons pas nous couper d'un texte ou d'un auteur qui propose un livre « tapé ». C'est pourquoi nous nous réservons la folie et toutes les folies d’honorer toutes les définitions précédentes.
Plus encore (pis même), ne reculant devant rien, l'Institut proposera des textes d'auteurs :
anticipateurs, archi-monarques, astrologues, astronomes,
barjos, barrés, bizarres, botanistes, bricoleurs,
cafouilleurs, calculateurs, calyptologues, candidats,
cantonniers, capitaines, casse-pieds, cénobites,
chimériques, cinglés, conquistadors, coprophages,
copulateurs, cosmogones, cosmographes hérétiques,
craqués, débridés, dégénérés, délirants, dérangés,
dingos, éjaculateurs, énergumènes, enragés, éperdus,
étymologistes, excentriques, excités, extravagants,
fadas, faiseurs d'histoire(s), farfelus, faux-dauphinomanes,
fêlés, fétichistes, fissurés, foldingues, follets,
frappa-dingues, généticiens, géographes,
géologues, géomètres, givrés, gogols, hallucinés,
haricologues, hermaphrodites, hygiénistes,
hypnotiseurs, (il)logiciens, illuminés, insensés,
inventeurs ivres, journalistes, linguistes, logographes,
loufoques, mabouls, mathématiciens, médecins,
médicastres, mégalomanes, messies, météorologistes,
militaires, monarques, musiciens, mystificateurs,
myth(étym)ologistes, notaires, obsédés, occultistes,
ondinistes, ouf, panlatinistes, persécutés, persécuteurs,
pétitionnaires, philanthropes, philosophes, piqués,
politiciens, polygraphes, possédés, préhistoriens,
prodiges, prophètes, quadrateurs, racistes de tous poils,
rêveurs, rhétoriciens, romanciers, saugrenus,
savants, schizophrènes, sinoques, siphonés,
sociologues, sonnés, stratigraphes, tarés,
théoriciens, timbrés, toqués, universalistes,
urbanistes, versificateurs, visionnaires, zinzins, zoologues, etc.