Paulin GAGNE _ La Pataticulture

Publié le par I.I.R.E.F.L.

 

 

 

Paulin GAGNE

L'UNITÉIDE OU LA FEMME MESSIE

 

Poème universel en douze chants & soixante actes avec chœurs (Chaque Chant forme cinq actes) par Paulin Gagne, avocat, homme de lettres… Précédé d'un Prologue et suivi d'un épilogue par Mme Gagne (Elise Moreau de Rus)

 

Le poème se vend chez tous les libraires de France et de l'étranger, (Montélimar, Imprimerie Bourron) , s.d. circa1858

726 pages. In-8

 

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ACTE TRENTE-HUITIÈME ou LA PATATlCULTURE.

 

 

La scène se passe dans un vaste champ de pommes de terre.

 

 

 Sommaire : PERSONNAGES PRINCIPAUX : La Pataticulture, peuples, rois, etc.

ACTION : La Pataticulture fait un discours dans lequel elle dit qu'elle a toujours aimé la pomme de terre qu'elle a guérie par la vaccine, et qui seule peut sauver le monde en lui servant de pain universel ; elle annonce qu'elle a chassé la Vinicultivrogne et la  Séricultumûre qui détruisaient les peuples par l'ivresse et par le luxe ; elle ordonne de couvrir le globe de pommes de terre ou de patates ; elle dit qu'elle peut faire la pluie et le beau temps au moyen de batteries de canons établies dans les bassins des fleuves au moment de l'orage, etc. – Les peuples et les rois élèvent la Pataticulture sur le trône et se couronnent avec elle de gloire et de pommes de terre, etc.

 

La Pataticulture en montrant la misère

Chante l'avènement de la pomme de terre.

 

 

SCÈNE I.

 

La Pataticulture, peuples et rois, etc.

 

 

LA PATATICULTURE, du haut du Pataticultoratoire.

 

 

Peuples et rois, je suis la Pataticulture,

Fille de la Nature et du Siècle en friture ;

Etant née au milieu d'un champ plein de splendeur

Que de pommes de terre ornait un plant d'honneur,

N'ayant jamais mangé que des pommes de terre

Qui font pour moi des plats de la meilleure chère,

J'ai toujours adoré ce fruit délicieux

Que, dit-on, pour extra mangeaient jadis les dieux !

Après avoir guéri par l'art de la vaccine

Les pommes qu'attaquait une fièvre assassine,

En arrosant la plante avec un peu de l'eau

Dans laquelle bouillait la pomme au mal de peau,

Et qui faisant sortir de petites pustules,

Purifiait soudain la sève des fécules ;

Après avoir donné la résurrection

Aux pommes qui semblaient mortes d'inaction

Et qu'attaquait souvent l'affreuse apoplexie,

En employant gaîment la dynamoscopie

Qui, faisant revenir sur la plante en tourment

Et le bourdonnement et le pétillement

Qu'on regardait jadis comme chose bouffonne,

Ressuscite la plante ainsi qu'une personne ;

Après avoir enfin donné tous les bienfaits

A la pomme de terre aux sucs les plus parfaits,

Je viens vous ordonner de semer sans relâche

Ce fruit délicieux qui jamais ne relâche

Et qui, vu notre état de misère cruel,

Fera bientôt de tout le pain universel !

J'ai chassé de ce monde ainsi qu'une carogne

Qui grise et détruit tout, la Vinicultivrogne,

En l'étouffant sans peur sous la cuve de vin

Dont elle avait formé son trône souverain ;

J'ai chassé pour toujours comme fille de joie

La Séricultumûre à Vénus toute en proie,

Et que j'ai fait monter dans les airs furieux

En enflammant du gaz sous ses jupons soyeux,

Sous lesquels mes regards que rien ne scandalise

N'ont pu voir sans horreur l'absence de chemise,

Et qu'un crinolinas où nul honneur n'est sauf

Elargissait ainsi qu'une tour Malakoff !

Je vous ordonne donc de semer la patate

Ou la pomme de terre en qui tout se dilate ;

Pour ce doux tubercule aux bienfaits éclatants

Je ferai tour à tour la pluie et le beau temps !

Car j'en ai le secret, et je vais vous le dire

Afin de vous donner le pouvoir qui m'inspire,

Le voici : Vous mettrez auprès des grands bassins

Des fleuves où se font les orages mutins,

Dans des lieux au-dessous du niveau de ces fleuves

Dont l'inondation rend nos campagnes veuves,

Vous mettrez des pétards, des cloches, des canons,

Des caisses, des tambours, des trompes, des chaudrons

Elevés sur des tours en bassins pleins de tubes

Pour répandre au besoin les eaux en mètres cubes,

On fera retentir avec d'affreux élans

Dans les temps pluvieux ces appareils ronflants,

Qui, comme l'a prédit la science ravie,

Loin de les éloigner attirent vent et pluie ;

Si l'averse s’élève aux inondations,

On fera couler l'eau dans les vastes bas-fonds,

Mais si la pluie est faible et devient nécessaire

A l'arrosage pur de la pomme de terre,

On fera passer l'eau dans les bassins des tours

D'où les tubes divers dirigeront le cours ;

Voilà, peuples et rois, la loi constituante

Que je fais pour sauver la patate régnante,

Et pour vous préserver dans l'avenir au pas

Des inondations qui portent le trépas !

Monde, élève-moi donc au pavois qui me flatte

Si tu veux conserver la sublime patate

Et t'enivrer sans fin des banquets les plus doux ;

Dans la pomme de terre est le salut de tous ! 

 

TOUS.

 

O Pataticulture, oui, nous t'offrons le trône

Que mérite si bien ton auguste personne !

 

LA PATATICULTURE.

 

Puisque pour me bénir ton amour s'est levé,

Monde, ne parle plus, l'univers est sauvé !

Les peuples avec moi sans craindre le tonnerre

Se couronnent de gloire et de pommes de terre,

Et bravent la besace et la mendicité :

La patate en faveur sauve l'humanité !

 

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Christian ARNOU « Paulin Gagne et la Pataticulture ». Dessin à l’encre de chine. 2008. Collection Marc Ways & I.I.R.E.F.L.

© Tous droits réservés Christian ARNOU

Publié dans GAGNE - Paulin

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